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Gustave NADAUD (1820 - 1893) |
| Que
fais-tu mon vieux télégraphe, Au sommet de ton vieux clocher, Sérieux comme une épitaphe, Immobile comme un rocher ! Hélas ! Comme d'autres peut-être, Devenu sage après la mort Tu réfléchis, pour les connaître, Aux nouveaux caprices du sort. C'est que la vie est déplacée, Les savants te l'avaient promis Et toute royauté passée N'a plus de flatteurs ni d'amis Autrefois tu faisais merveille, Et nous demeurions tous surpris. Devoir, en un seul jour, Marseilles Envoyer deux mots à Paris. Tu fus l 'énigme de notre âge ; Nous voulions, enfants curieux, Deviner ce muet langage, Qui semblait le parler des Dieux. Lorsque tes bras cabalistiques, Lançaient à l'horizon blafard Les mensonges diplomatiques Interrompus par le brouillard. Maintenant en une seconde, Le Nord cause avec le Midi ; La foudre traverse le monde Sur un brin de fer arrondi. L'esprit humain n'a point de halte, Et tu restes debout seul, Ainsi qu'un chevalier de Malte Pétrifié dans son linceul ! |
Tu
te souviens des diligences Qui roulaient jadis devant nous, Portant des écoliers en vacances, Gais voyageurs, nouveaux époux. Tu ne vois plus, au clair de lune, Aux rayons du soleil levant, Passer tes sœurs en infortune, Qui jetaient leur poussière au vent ! Ainsi s'éteignent toutes choses, Qui florissaient au temps jadis ; Les effets emportent les causes, Les abeilles sucent les lis. Ainsi chaque règne décline, Et les romans de l'an dernier, Et les jupons de crinoline, Et les astres de Le Verrier ! Moi, je suis un pauvre trouvère, Ami de la douce liqueur ; Des chants joyeux sont dans ton verre, J'ai des chants d'amour dans le cœur. Mais à notre époque inquiète, Qu'importe l'amour et le vin ? Vieux télégraphe, vieux poète, Vous vous agiteriez en vain ! Puisque le destin nous rassemble, Puisque chaque mode à son tour, Achevons de mourir ensemble Au sommet de ta vieille tour. Là, comme deux vieux astronomes, Nous regardons fièrement Passer les choses et les hommes, Du haut de notre monument ! |
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