Le télégraphe Chappe et la naissance des télécommunications

De tout temps, l'homme a eu besoin de communiquer à distance. Si le premier moyen de communication fut certainement le grognement ancêtre de la parole, il a utilisé le cri, premier moyen de lorsque la distance augmentait.

Plus la distance augmente, plus la compréhension du signal diminue pour celui qui le reçoit. On a donc cherché des moyens pour amplifier le son et en augmenter la portée : sifflets, tambours, tam-tam, trompette, cloches, sirènes…
Il faudra attendre l'ère de l'électricité pour que ce moyen devienne efficace par l'invention du téléphone.

S
i le signal sonore apparaît plus naturel à l'homme, le signal visuel lui semble plus fiable puisqu'il persiste quelques temps. On imagina donc bon nombre de moyens pour passer des messages courts : fanions, étendards, signaux de feu, signaux de fumée, signaux mécaniques, signaux lumineux,…
Il faudra attendre la mise au point de lunettes efficaces pour que l'on puisse distinguer les signaux émis de loin.
Le
projet "Préhistoire des télécommunications" essaie de recenser tous les moyens de télécommunications que l'homme a utilisé.

Claude Chappe, né en 1763, en bon scientifique du Siècle des Lumières, connaît les expérimentations de ses prédécesseurs et il étudie différent systèmes avant de choisir et de développer le sien. Son plus grand mérite est d'avoir fait la synthèse de toutes les idées, de les avoir adaptées aux progrès de son temps et d'avoir eu l'audace de les réaliser : il créera ainsi le premier système de aérienne et optique de conception mécanique fonctionnant de poste à poste, en bref le premier système de télécommunications de l'ère moderne.

Une ligne télégraphique équipée du système Chappe se compose de deux stations terminales et d'un certain nombre de stations relais intermédiaires, construites sur des points hauts du terrain, à vue directe l'une de l'autre (en moyenne une dizaine de kilomètres)

Dans chaque station, un employé observe à la longue-vue les signaux transmis par la machine de son correspondant "amont" et les reproduit un à un à destination de son correspondant "aval", à l'aide des bras articulés de son télégraphe aérien.

L
a machine se compose d'un grand bras en bois, perché en haut d'un mât-montant et qui peut pivoter pour prendre quatre positions distinctes.
Aux extrémités de ces grands bras se trouvent deux petits bras qui pivotent et qui peuvent prendre eux aussi plusieurs positions distinctes.
Les diverses positions que peuvent prendre entre elles ces trois pièces mobiles donnent une centaine de significations.

Le télégraphe Chappe n'utilise pas le code alphabétique mais un code numérique. Les signes conventionnels transmis grâce aux trois bras de l'appareil correspondent à des nombres. Leurs combinaisons renvoient aux pages et aux lignes de plusieurs répertoires spéciaux appelés vocabulaires. Le premier signe indique au destinataire la page du répertoire, un second indique la ligne à lire dans cette page Comme les machines, les vocabulaires ont évolué avec le temps.

Le secret des transmissions est assuré par le fait que les agents, tant intermédiaires que terminaux, ignorent le code. Seuls, celui qui compose et code le message à la première station émettrice et celui qui le reçoit et le décode à la dernière station réceptrice de l'extrémité de la ligne, connaissent le code.

L'ensemble des répertoires donne plus de 25 000 mots, expressions, voire phrases, noms de lieux ou de personnalités. En principe, une station peut transmettre plusieurs signaux par minute et les messages sont très rapides, du moins pour l'époque : environ 2 heures de Paris à Strasbourg contre 4 jours en diligence pour la même distance. Les dépêches décodées sont ensuite acheminées à pied ou à cheval et portées à leur destinataire, le plus souvent un personnage officiel.

Ce système a été inventé et perfectionné par Claude Chappe et ses quatre frères. Opérationnel à partir de 1794, il comprendra une quinzaine de lignes et d'embranchements, plus de 500 stations en France et dans quelques pays voisins.
Il ne pouvait fonctionner que le jour et par beau temps, la nuit, le brouillard, la pluie ou les ondulations de chaleur empêchant les transmissions.
Il cessera ses activités vers 1850 et sera remplacé par le système du télégraphe électrique plus moderne, plus rapide et plus pratique.

Le Chappe constitue le premier moyen de télécommunications au monde.

Quelque peu oublié aujourd'hui, il continuera longtemps à être utilisé dans le langage courant, par exemple dans cette description d'une salle de classe en 1889 :

" C'était un spectacle saisissant, au premier aspect, que ces longs et vastes vaisseaux qui contenant une école entière, comme les plus anciennes générations de Paris peuvent se souvenir d'en avoir vu à la Halle aux draps.
Au milieu de la salle, dans toute la longueur; des rangées de tables, de 15 à 20 places chacune, portant à l'une des extrémités (celle de droite) le pupitre du moniteur et la planchette des modèles d'écriture, surmontée elle-même d'une tige ou télégraphe, qui servait à assurer par des inscriptions d'une lecture facile, la régularité des mouvements; sur les côtés et tout le long des parois, des séries de demi-cercles autour desquels se répartissaient des groupes d'enfants; sur les murs, à hauteur du regard, un tableau noir où se faisaient les exercices de calcul et auquel étaient suspendus les tableaux de lecture et de grammaire; tout à côté, à portée de la main, la baguette dont s'armait le moniteur pour la leçon; enfin, au fond de la salle, sur une vaste et haute estrade, accessible par des degrés et entourée d'une balustrade, la chaire du maître qui s'aidant tour à tour, suivant des règles déterminées, de la voix, du bâton ou du sifflet, surveillait les tables et les groupes, distribuait les encouragements et les réprimandes, et réglait, en un mot, comme un capitaine sur le pont d'un navire, toute la manœuvre de l'enseignement."

Octave Gréard, Éducation et instruction, 1889

Mise à jour : septembre 2006