|
Le télégraphe et la gestuelle:

|
"
Sa parole était brève, et ses gestes avaient quelque
chose des mouvements saccadés d'un télégraphe."
Honoré
de BALZAC, La Maison du Chat-qui-pelote
(La Comédie humaine, vol. I, troisième
éd.), 1842
|
" La vraie Américaine qui joue l'Américaine
de la pièce ..., a un grand succès avec son
accent anglo-saxon, la télégraphie nerveuse de ses
mains."
Edmond
et Jules de GONCOURT, Journal, 1893.
|
" Et cet andouille de Saturnin monté sur la meule
de paille faisait le télégraphe avec son chapeau à
bout de bras."
Jean
GIONO, Baumugnes, 1929.
|
|
"
Partout des bouches ouvertes, violentes, voraces, des poings brandis,
des doigts qui suppléaient aux cordes vocales devenues impuissantes,
une télégraphie de sourds-muets."
Maurice
DRUON, Les grandes familles, Tome 2, 1948
|
"Cinq minutes après, nous entrions dans la gare.Jacques
était là depuis une heure. Je l'aperçus de
loin avec sa longue taille un peu voûtée et ses grands
bras de télégraphe qui me faisaient signe derrière
le grillage". |
Alphonse
DAUDET, Le petit chose,1868
|
" Et toi, Clara ? Je m'étonne toujours de l'aptitude
de certains à s'évanouir sans laisser de traces
à leurs amis. Un mot sur le coin de la table. Une bouteille
à la mer. Les mouvements saccadés d'un télégraphe
à l'horizon. Je ne sais pas. Quelque chose. Mais toi ?
Le silence tue, Clara, plus souvent que la vieillesse !"
|
Eric
FAYE, Parij ,
J'ai Lu, 1999
|
"- ça alors, si je m'attendais, et surtout par
ce froid...M. Jean, le gardien, relevait et abaissait les bras
comme un vieux télégraphe..." |
Erik
ORSENNA, Longtemps,
Fayard - Le Livre de poche, 1998
|
Pour marquer
l'étonnement, rien ne vaut l'image du télégraphe,
même chez un auteur contemporain, de surcroît membre
de l'Académie française ! |
(...) les
femmes y manient l'éventail avec un art totalement inconnu
en France; elles l'ouvrent et le ferment avec un petit bruissement
qui nous poursuit partout, à la promenade, à l'église,
aux spectacles; dans leurs agiles Manis, il devient un télégraphe
dont chaque mouvement est un signe de politesse et de dédain,
d'amitié ou d'indifférence, d'amour ou de mépris,
de rendez-vous accepté ou refusé. |
SALLES
Jules
(1864-1865).
L'Andalousie, l'art arabe et la peinture de Murillo. Fragment
d'un voyage en Espagne,
in Mémoires de l'Académie du Gard.,
sd.
|
Le
télégraphe et le langage
" L' homme seul sait rappeler
le feu du soleil au milieu des ténèbres, et y découvrir de nouvelles
modifications. Il le fait sortir du tronc des arbres, où de longs étés
l' ont fixé, et il le fait étinceler et flamber dans son foyer. Mais
sa lueur céleste brille encore pour lui au haut des cieux, malgré l'
obscurité des nuits. Il la voit réfléchie dans le firmament, par les
planètes, accompagnées de leurs satellites nombreux. Il les voit tour
à tour ascendantes, descendantes à l' orient, à l' occident, sur des
lignes horizontales, obliques, perpendiculaires, et formant entre elles
des losanges, des carrés, des triangles. Ce télégraphe céleste lui parle
sans cesse un langage mystérieux, qui lui annonce toutes les harmonies
du temps, des secondes, des minutes, des heures, des jours, des semaines,
des mois, des saisons, des années, des cycles, des siècles."
BERNARDIN
de SAINT-PIERRE,
Harmonies de la nature, 1840
|
" Ces antennes, comme on les appelle, longues, fortes, délicates,
vibrantes au contact le plus léger, sont charnues, articulées
d' une vingtaine de pièces mobiles, agencées l' une dans
l'autre. Instrument infiniment propre à palper et tâtonner.
Mais il a bien d' autres usages ; par lui, les fourmis se transmettent
en une seconde des avis assez compliqués, puisqu' ils changent
leur direction et les font rétrograder, prendre tout à
coup un autre chemin ; c' est évidemment un langage, comme celui
du télégraphe. Ce merveilleux organe du tact est de plus
probablement une sorte d' ouïe, étant tellement mobile qu'
il doit frémir aux moindres vibrations de l' air et sentir toute
onde sonore. L' accord de ces mouvements, de ce fin et délicat
appareil tactile et télégraphique, cette forte tête
enfin qui semblait penser, le tout faisait illusion."
Jules
MICHELET, L'insecte, 1858 (*)
|
"Paraclet
se trouvait blessé dans ses superbes combinaisons ; il employa dans
son monologue les formules énergiques de Cicéron, et sa colère prenant
sa source dans les hautes montagnes de l'Orgueil, en précipita ses
courants d'apostrophes et ses torrents d'invectives entre les rives
insultantes des "quousque tandem" et des "verum enimvero"
!
Il marcha en gesticulant comme un télégraphe occupé ; il se demandait
si son élève ne devait pas tirer vengeance du refus de Mr de Pertinax
fondé sur le vain motif qu'il ne possédait qu'un fils ! Ne fallait-il
pas que le sang lessivât cette offense ? La guerre de Troie lui parut
avoir été allumée à propos d'intérêts plus frivoles ! La belle chose
que l'honneur de Ménélas auprès de la mort des Tilleuls ! "
Jules
VERNE, Le mariage de Monsieur Anselme des Tilleuls, Souvenirs
d'un élève de huitième, Editions
de L'Olifant, 1991
|
"L'enfant hésita. On ne veut plus de son gâteau;
ce n'est pas une raison pour le donner.
Le père poursuivit:
- Sois humain. Il faut avoir pitié des animaux.
Et, prenant à son fils le gâteau, il le jeta dans
le bassin.
Le gâteau tomba assez près du bord.
Les cygnes étaient loin, au centre du bassin,et occupés
à quelque proie.Ils n'avaient vu ni le bourgeois, ni la
brioche.
Le bourgeois, sentant que le gâteau risquait de se perdre,
et ému de ce naufrage inutile, se livra à une agitation
télégraphique qui finit par attirer l'attention
des cygnes. (...)
- Les cygnes comprennent les signes, dit le bourgeois, heureux
d'avoir de l'esprit." |
Victor
HUGO, Les Misérables, 1862
|
La langue de M. Gustave Flaubert fourche, et maintes fois contrarie
la pensée, au lieu de la rendre ; mais le lecteur, encore
plus attaché au sens qu'à la forme des choses, les
éclaircit, les rectifie ou les complète, et finit
par comprendre l'auteur. Le télégraphe et les sourds-muets,
qui se font comprendre aussi, ne sont pas pour cela de grands
écrivains. |
Théophile SILVESTRE, Chronique, Le Figaro,
8 janvier 1863
|
Le
télégraphe et la politique (**)
"
En somme, devant l'histoire et devant le peuple français, la
grande gloire de Napoléon III aura été de prouver
que le premier venu peut, en s'emparant du télégraphe
et de l'imprimerie nationale, gouverner une grande nation. Imbéciles
sont ceux qui croient que de pareilles choses peuvent s'accomplir sans
la permission du peuple et ceux qui croient que la gloire ne peut être
appuyée que sur la vertu. Les dictateurs sont les domestiques
du peuple - rien de plus - un foutu rôle d'ailleurs, et la gloire
est le résultat de l'adaptation d'un esprit avec la sottise nationale."
BAUDELAIRE,
Mon coeur mis à nu, 1862/64, rapporté
par le journal Le Monde (23-24/06/2002).
|
"
1848, 24 février.Il y a déjà 29 ans !
C'est la Saint-Mathias. C'est bien ce jour là que le télégraphe
fit des siennes, au sommet de l'église. Perché la-dessus
comme un héron qui dort, il s'était réveillé
tout d'un coup.
On le regardait d'en bas, en essayant de deviner ce que tenaient ses
pattes : il en laissa tomber la République..."
Jules
VALLES, article du journal " Le Radical
" du 27 février 1877
|
Note Jules VALLES
"Croyez-vous donc que la violence soit un vieux procédé,
une invention surannée, qu' il faille mettre au rancart avec
les diligences, la presse à bras et le télégraphe
aérien ? Vous êtes dans l' erreur. Aujourd'hui comme hier,
on n' obtient rien que par la violence ; c' est l' instrument efficace
; il faut seulement savoir s' en servir."
Anatole
FRANCE, L'île des pingouins, 1909
|
Télégraphe.
553. Le télégraphe (1) est aujourd'hui pour la France une dépense une
dépense d'habitude et de vanité. Les mouvements nécessaires à notre
conservation contre les dangers inopinés s'exécutent dans le corps humain,
sans délibération de la volonté : il doit en être de même dans un état
bien constitué ; et peut être qu'au 20 mars on a, dans beaucoup de lieux,
trop compté sur le télégraphe.
ooOOoo
(1)
On sait qu'à l'époque où M. de Bonald écrivait cette pensée, il n'y avait
d'usité en France que le télégraphe à signaux établi de distance en distance,
sur des points élevés, d'ordinaire au sommet de quelque édifice. Ce télégraphe,
consacré exclusivement au service de l'État, fonctionnait lentement, seulement
en plein jour, et un accident de température, un brouillard médiocre, suffisait
pour rendre les signaux invisibles. Dans les circonstances épineuses, il
y avait, pour gagner du temps, des brouillards officieux auxquels ont eu
si souvent recours, que l'expression : " interrompu par le brouillard ",
était devenue proverbiale. A.C.
Émile-Henri
de BEAUMONT, Esprit de M. de Bonald, ou Recueil méthodique de ses
principales pensées par le Dr de Beaumont; 3e éd[ition], considérablement
augm[entée] d'après les ms. (?) laissés par l'auteur, suivie d'une
de ses lettres à M. de Bonald et de la réponse reprod[uite] en fac-sim[ilé],
avec quelques mots d'introd[uction] et une notice sur l'auteur de
ce recueil par M. A. C. (?), Paris, Wattelier, 1870. (Sources
: Gallica.bnf.fr) |
|
Emile-Henri
de BEAUMONT :
L'auteur des 553 pensées - dont la dernière concerne le télégraphe
- est Louis de Bonald, (1754-1840).
Il écrit donc avant 1840, mais il n'a pas été possible de trouver
à quoi il fait allusion à propos du 20 mars.
De même, A.C. est resté inconnu (de BEAUMONT lui-même?)
|
Note Emile-Henri de BEAUMONT et Louis de BONALD
Le
télégraphe-symbole
"Le
combat de Jacob avec l'ange est un mystère fascinant
on le voit peint par Delacroix sur un mur de l'église Saint-Sulpice
patrie du premier télégraphe
inventé par Chappe
dont la statue-carrefour Raspail-Saint-Germain
fut capturée par les Germains
qui l'envoyèrent à la fonte
comme le ballon des Ternes
avec son pigeon collé par un bout de l'aile
ce qui est difficilement pardonnable"
Raymond QUENEAU,
Courir les rues, Genèse XXXII, 1968 |
|
|
Jules VALLES :
Ce texte a été écrit à propos de
l'abdication de Louis-Philippe et la constitution du gouvernement
provisoire de la IIe République. Elle a été
annoncée par le télégraphe Chappe juché
sur la tour nord de la cathédrale de Nantes. |
|
Raymond
QUENEAU :
Saint-Sulpice, "patrie du premier télégraphe",
a été selon les époques le départ
de trois lignes différentes.
On trouve dans les environs immédiats la statue du centenaire
et le premier siège de la télégraphie. |
Note Raymond QUENEAU
"
A l'ouest j'aperçois maintenant la cathédrale et,
me semble-t-il , le télégraphe strasbourgeois, dont
l'index de la mort est sinistre et presque sublime ; il meut ses
ciseaux comme le ferait une Parque - L'aiguille de la balance
du peuple incline et décline la boussole du temps " |
Johann
Paul RICHTER dit JEAN PAUL
(Cité par H.Franz, Colloque
FNARH,op.cit.)
|
Note JEAN PAUL
|
JEAN
PAUL :
Les trois Parques, déesses du destin dans la mythologie
romaine et l'équivalent des Moires en Grèce présidaient
à la naissance, au mariage et au décès.
Sur le Forum, elles étaient représentées par trois statues
appelées couramment les tria Fata (les trois " Destinées
" ou les Trois Fées).
On les représentait comme des fileuses : Nona créait la
vie, Decima la déroulait et Morta en coupait le fil .
|
|
"
M. le maire est le télégraphe de notre commune ; en le voyant,
on sait tous les événements. Lorsqu'il nous salue, c'est que l'armée
de la Foi a reçu quelque échec ; bonjour de lui veut dire une
défaite là-bas. Passe-t-il droit et fier, la bataille est gagnée
; il marche sur Madrid, enfonce son chapeau pour entrer dans la
ville capitale des Espagnes. Que demain on l'en chasse, il nous
embrassera, touchera dans la main, amis comme devant. D'un jour
à l'autre il change, et du soir au matin est affable ou brutal.
Cela ne peut durer ; on attend des nouvelles, et, selon la tournure
que prendront les affaires, on élargira la prison ou les prisonniers."
|
Paul-Louis
COURIER DE MÉRÉ, Gazette du village, 1823
|
Note
COURIER DE MÉRÉ |
|
Paul-Louis
COURIER DE MÉRÉ,
Traducteur et pamphlétaire né à Paris le
4 janvier 1772, décédé le 10 avril 1825
à Véretz (Indre-et-Loire) .
Parmi ses oeuvres principales : Lettre à messieurs de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres (1819),
Simple discours de Paul-Louis, vigneron... (1821), Gazette du
village (1823),... |
(*) Voir également HUGO et DUMAS
(**) Voir également STENDHAL
Mise
à jour : septembre 2007
|