La
disparition des frères Chappe à la tête de l'administration
télégraphique va la faire évoluer.
Leurs successeurs, Pierre-François Marchal, Alphonse Foy et Jacques
- Gabriel Flocon vont modifier le recrutement du personnel et donner
à la télégraphie les formes d'une administration
moderne et à part entière.
A
partir de 1831, Alphonse Foy propose au gouvernement la modification
du réseau, suivant d'ailleurs ainsi les idées d'Abraham
Chappe.
Le réseau existe sous forme d'une étoile à cinq
branches reliées à la capitale et certaines lignes sont
parfois saturées, la ligne de Toulon lors de la conquête
de l'Algérie par exemple.
L'idée majeure est de relier par des lignes transversales les
extrémités des branches entre elles et de former ainsi
un cercle grossier longeant les frontières ; pour envoyer une
dépêche à Paris, on pourrait donc passer par des
lignes différentes (et, en osant le parallèle, c'est
-déjà - le principe d'internet !)
Ainsi, on veut créer une ligne transversale du Midi reliant
Avignon et Bordeaux par Montpellier et Toulouse, relier Strasbourg
au sud par Dijon - Besançon et au nord par Metz - Lille, enfin
créer des liaisons côtières reliées entre
elles sur la façade ouest.
Le projet est accepté et les travaux commencent, à la
fois en Bretagne et dans le Midi. Dès 1832, Avranches-Rennes-Nantes
fonctionne en même temps qu'Avignon - Narbonne ; en 1834, la
ligne du Midi est réalisée avec la jonction Narbonne-Bordeaux.
A partir de 1835 cependant et la liaison Avranches-Cherbourg, les
travaux vont considérablement ralentir, l'administration télégraphique
étant occupée à régler différents
problèmes : réorganisation des structures, lutte contre
les lignes clandestines, modernisation du matériel de transmission
(machines horizontales dites modèle Flocon et télégraphie
de nuit) .
Quelques petites réalisations ont lieu tout de même,
pour des raisons politiques ou administratives. La liaison Bordeaux-
forteresse de Blaye avait été construite en 1832 pour
surveiller la duchesse de Berry emprisonnée pendant quelques
mois ; en 1840, Dijon est reliée à Besançon,
Narbonne à Perpignan, Calais à Boulogne . De nouvelles
directions sont créées : Saint-Brieuc en 1841, Châlons
en Champagne en1844.
Le
grand projet ne sera, finalement, pas mené à terme.
En effet, la télégraphie est entrée dans une
période de transition faite d'incertitudes et de contradictions
: l'avenir semble résider dans le télégraphe
électrique qui a fait des progrès impressionnants, mais
beaucoup croient encore que le télégraphe aérien
et le télégraphe électrique peuvent coexister.
Fin 1844 commencent les travaux de la première ligne de télégraphie
française électrique Paris-Rouen ; la même année
cependant on relie Châlon-sur Saône à la ligne
de Toulon en matériel Chappe. En 1845 est construite la ligne
électrique Nîmes-Beaucaire, mais l'année suivante
on prolonge Bayonne vers Béhobie, sur la frontière espagnole,
ainsi que Calais au château royal d'Eu en matériel aérien
!
L'avancée du télégraphe
électrique est cependant inexorable ; la première ligne
à être démontée en 1847, pour cause de
remplacement par une ligne électrique, est également
la première à avoir existé en matériel
aérien : Paris-Lille. En 1849, l'administration équipe
la ramification de Tonnerre en matériel aérien puisque
la liaison électrique prévue n'est pas opérationnelle
: c'est la dernière liaison Chappe , anecdotique, créée
en France métropolitaine !
Le télégraphe électrique
va gagner la bataille définitive au milieu du siècle.
Le télégraphe aérien va être remplacé
et arrêté, ligne après ligne, entre 1850 et 1854
, en même temps que meurent les derniers frères Chappe
(Abraham en 1849, René en 1854) et qu'il
connaît
ses heures de gloire en Algérie, en Tunisie et pendant la guerre
de Crimée !